
En réponse à p’tit beurre qui propose un cycle Nostalgie sous le thème : « vos premiers chagrins d’amour ». Je vous propose ce texte :
- Non ce n’est pas vrai !!!
- …
- Tu n’as pas changé …
- …
- Tu ne m’as pas reconnu ?… on était …on était … assis ensemble pendant le lycée
J’étais embarrassé de ne pas le reconnaître : la plus part du temps je reconnaissais mes anciens collègues de lycée par leur physique mais je n’arrivais pas à me souvenir de leurs noms. Cette fois ci même le physique ne me disait rien. Quand, soudain son sourire et ses yeux me l’ont dévoilé…
-Anouar, c’est toi Anouar ?
- oui …comment vas-tu ?
Je le sentais un peu vexé … comment l’aurais je pu oublier ? C’était mon meilleur ami … mon frère. Je ne savais pas comment lui montrer mon enthousiasme et mon bonheur de le retrouver après ce vent de froideur qui a tout détruit à ces retrouvailles.
- je suis vraiment content de te retrouver Anouar, je te cherchais partout … tu es libre là ?
- Non, au fait je suis avec ma famille … voila mon numéro de téléphone… si tu veux bien …bien sur …
- Oui oui , je veux bien
Et il est parti.
Il a été visiblement blessé par ma froideur. Une vague de nostalgie m’a envahi.
Nous étions inséparables au lycée. Nous étions à part : un autre sens de l’humour, une sensibilité, des idéaux … nous liaient. J’avais à peine 15 ans et lui 17.
Durant cette période de ma vie, j’ai beaucoup souffert du fait que mon grand frère était parti a Tunis (on avait 7 ans de différence), lui qui était comme un père pour moi, mon idéal et qui partageait la même chambre avec moi depuis ma jeune enfance.
Anouar a pu être le remplaçant, le grand frère qui viellait sur moi et qui avait confiance en mes capacités. Cela m’aidait à construire mon identité et à m’affirmer.
Et elle était là. Dans la même classe. Avec la même classe. Inaccessible et incroyablement belle et charmante.
On était ensemble en troisième année. Et durant cette année là, je n’ai pas pu échanger avec elle aucune longue phrase.
En cinquième année. J’avais un peu plus confiance en moi-même. Et le duo Anouar et moi c’est transformé en un trio.
Nous étions inséparables. Chacun avait un grand sens de l’humour. On riait beaucoup. Mais on ne partageait pas que cela. On s’échangeait des poèmes de Nizar kabbani, de Ahmed Fouad Najm…
La poésie était une pratique honteuse vis-à-vis de nos collègues, à cette époque de notre vie. Anouar n’en avait pas honte et exhibait ses écrits avec une grande fierté, elle elle les montrait en privé. Moi j’en écrivais aussi mais je ne le disais pas.
Quand les courts étaient finis. Anouar prenait le bus pour rentrer car il habitait loin. Alors que moi je me précipitais de rentrer, de manger un petit truc et de courir a ma bicyclette pour aller au port de Djerba. Où je la retrouvais la bas … sans rendez vous préalable… on regardait le couché de soleil ensemble et chacun rentrait de son coté.
C’était un vrai bonheur. Je l’aimais encore plus. Elle était toujours sympathique. Et du coup j’en soufrais encore plus.
C’était un vrai bonheur malheureux, un bonheur solitaire, un bonheur inaccessible.
Elle était vraiment belle, très charmante et très intelligente ce qui la propulsa à sortir avec un garçon au bac. Et cela anéantissait toutes mes chances, moi le gamin à 15 piges, le plus jeune dans les 5émes, le plus petit, quels chances avais je pour conquérir l’une des plus belles filles du lycée ? Quels chances avais je face à l’un des garçons les plus « cotés » du lycée et qui avait 20 ans ?
Cela me hantait, je ne dormais plus. Mon seul recours était d’en parler à mon ami. Mais la honte de moi-même et du ridicule de la situation m'en empechait.
Au lieu de cela, un jour quand je me suis retrouvé en tête à tête avec Anouar. Il m’avoua qu’il était amoureux d’elle. Que c’est la femme de sa vie et qu’il fera tout pour qu’elle soit sienne.
Mon meilleur ami est amoureux de celle que j’aime … quelle situation tragique !
J’ai décidé ce jour là. De garder cet amour pour moi-même et de le vivre seul. Ainsi je ne le perdrais ni lui ni elle.
Quelques jours plus tard, il vient m’annoncer avec un grand chagrin qu’il lui avait parlé de son amour pour elle et qu’elle l’a refusé.
Je n’aurais pas pu supporter son refus. C’est pour cela que j’ai décidé de l’aimer tout seul … avec ou sans son accord. Mon amour s’est transformé en une sorte de vénération.
Je me souviens que ces jours là qu’à des kilomètres sur ma bicyclette je pouvais voir si elle était au port ou pas. A des kilomètres je sentais son parfum. Nous regardions le soleil qui rougit et qui part. Je rougissais et je partais pour tout écrire, tout transcrire en des poèmes que j’étais seul à lire.
L’année s’est vite achevée. Un jour en rentrant je voyais nos affaires dans un camion. On m’annonça qu’on déménage à Tunis.
J’ai passé une année à la pleurer, à pleurer le soleil qui rougissait comme moi. A pleurer son parfum, le parfum de mon lycée, mes amis et le parfum de ma Djerba.
Je tague ,Tarek Kahlaoui,Naufrage,Clandestino, Tonton Jacob, arabicca