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samedi, décembre 16, 2006

la mauvaise éducation ...bourgeoise

Qu’est ce qui s’est passé ce jour là, à cet instant là pour tout faire basculer dans ma vie ? Moi même je ne le sais pas encore !

J’ai toujours été solide, coriace et très dure avec moi-même … mais ce jour là tout a commencé à basculer.

Je me présente : je suis Mme Naziha xxxx et comme le signale mon nom xxxx, je suis, comme vous le devinez sûrement, issue d’une très grande famille Tunisoise de classe supérieure.

Comme toutes les filles de ma classe, j’ai eu une éducation rigoureuse et j’ai été inculquée aux bonnes manières. Depuis mon enfance je savais déjà différencier entre le bien et le mal, le normal et le Anormal ( mouch normal en Tunisien).

Donc enfant il était mouch-normal (anormal) que je sois inscrite comme toute la populasse à une école « normale » c'est-à-dire d’éducation publique mais ce qui était Normal c’est que je sois inscrite chez les sœurs pour bien apprendre les bonnes manières et le Français.

Cela explique aussi que je m’exprime ici en Français, pardon pour les arabophones (qui de toute façon auraient du être plus attentifs lors des cours de Français ;) ).

J’ai toujours accepté et respecté ces règles qu’on m’a apprises bien que ce n’était pas toujours facile pour moi à des stades différents de mon âge :

- Quand j’étais enfant j’ai appris avec beaucoup de douleurs qu’il était mouch-normal que je veuille me couper les cheveux courts car c’est très mal vu ! Et ce qui était plûtot normal, c’est que je me coiffe comme toutes les filles de ma classe et de mon âge.

- Quand j’étais devenue une demoiselle j’ai appris qu’il n’était pas normal du tout que je tombe amoureuse d’un voisin qui a pour père un simple fonctionnaire d’une famille modeste et que ce qui était plutôt normal c’est que je sois contente qu’un cousin lointain d’une famille gendre à la mienne me demande en mariage.

- Quand j’ai découvert que mon mari me trompait, toutes les femmes de mon entourage m’ont dit que c’est complètement normal et que c’est un passage obligé pour tous les mâles de la « high-classe » de Tunis à New York en passant par Paris. Et que ça ne serait pas normal que je fasse un scandale digne d’une « chlou7 » tunisienne illettrée.

Qu’est ce qu’elles m’ont regardé cruellement et méchamment quand mes yeux commençaient à se mouiller …ce n’était pas un acte normal dans nos codes ! Je me suis tout de suite corrigé en faisant croire que j’avais une allergie et elles ont tout de suite passé l’éponge en me notant une adresse et en me disant d’une seule voix : « agit normalement, comme nous toutes, va voir cette voyante …ce n’est pas n’importe qui … elle ne reçoit que des présidents et des ministres d’un peu partout dans le monde ».

Je ne sais plus si Zohra (la voyante) était vraiment douée ou pas car j’étais en face d’elle et je ne l’écoutait même pas : je ne pouvais pas m’empêcher de penser que peut être à ce même instant mon mari était en train de s’envoyer en l’air. Ce n’était pas de la jalousie … je n’ai rien à faire de lui … mais le fait d’être trahit … moi qui a tout sacrifié … je ne pensais qu’a me venger ! Mais mon éducation m’en empêchait : ce n’est pas une action normale !

Bien qu’on disait que cette Zohra ne recevait que des VIP, en sortant de son cabinet je me suis rendu compte à quel point l’immeuble de ce cartier populaire était mal entretenu et il m’a fallu une quinzaine de minutes – sans exagérer- pour descendre cet escalier tout cassé et obscure.

Et c’est là que tout a basculé : un voisin a mis à fond la musique … c’était une chanson Mezwed d’une mélodie triste pleine de mots qui m’ont rappelé ma tristesse : que de peines et de brûlures (7ar9a).

Parmi les règles fondamentales que j’ai connues et qui, en Tunisie, ne sont pas exclusives à ma classe, c’est que la musique Mezwed est l’incarnation du mauvais goût et que c’est de l’ordre plutôt du bruit que de la musique. Je savais aussi depuis mon jeune age qu’il fallait écouter du Maalouf qui est la seule musique tunisienne savante et de bon goût … une musique de chambre digne des vrais dégustateurs de la bonne musique.

Malgré ma connaissance de tout cela je me suis surprise en train d’écouter attentivement cette chanson et puis plus tard à la maison, je ne pouvais plus m’empêcher d’entendre et réentendre le même refrain dans ma tête. Cela me hantait ! J’étais écartelée entre ma bonne éducation et cette chanson qui ne me lâchait pas.

Il a fallu que je fasse une grave erreur (commencer à fredonner cette maudite chanson d’ouvriers (zoufriia) devant le jardiner !) pour que je me décide d’en finir avec cette histoire et d’aller acheter le CD : j’étais persuadée que si cette chanson me colle c’est que j’avais besoin de bien l’entendre, une bonne fois pour toute, pour que je l’oublie et qu’elle sorte de ma vie !

Je me suis trouvé dans ma chambre faisant tout un plan pour pouvoir me procurer le CD sans que quelqu’un me remarque.

J’avoue que j’ai pris un énorme plaisir à me travestir en une femme « normale » de classe « normale » pour aller acheter l’album. C’était risqué de l’acquérir sur Tunis même et donc j’ai du faire un voyage à une ville voisine pour me le procurer. J’ai adoré l’aventure … pire que cela ! J’ai adoré l’album ! Je me cachais pour l’entendre et je l’ai vite appris par cœur !

Et donc je me suis donné un plaisir fou a me re-travestir encore une fois pour acheter un deuxième et un troisième … j’adorais ces escapades solitaires où je me transformais, où j’entrais dans le monde de l’interdit et où je ne trompait pas mon mari (qui ne valait même pas la peine) mais où je me trompait moi-même …je trompais mon identité et mon éducation et j’avoue que cela m’excitait a fond !

Je me suis surprise lors des grandes soirée chiques de m’excuser d’aller m’enfermer dans les toilettes, de mettre mon baladeur et de danser comme une traînée sur une de mes mélodies Mezwed préférées.

Pire je me suis même acheté des culottes et des bas qu’on vendait à 1 Dinars dans les souks populaires et je m’amusais à les mettre lors des soirées les plus « People » !

A chaque fois je poussais encore plus loin l’aventure, à chaque fois je sentais une grande montée d’adrénaline et une grande excitation à relever les défis les plus pervers !

J’ai mangé des fricassés ! J’ai bu une citronnade en pleine rue ! J’ai insulté un chauffard avec des mots tunisiens que prononcés devant mes amies, elles sauraient évanouies … j’ai tout fait ! Tout ! Je suis même montée dans un autobus jaune plus d’une fois …pire ! J’y suis allé dans les heures de pointe et les bousculades et les mauvaises odeurs n’ont fait que me faire mouiller ma culotte !

C’était une sorte de plaisir pervers et complètement incompréhensible qui pouvait me faire tout perdre … et c’est ce risque là qui me poussait toujours à aller plus loin … jusqu’à hier soir : J’étais dans un restaurant populaire, je mangeais un Lablabi à la Hergma accompagné d’une Boga cidre , j’étais habillée d’habits spéciaux que j’ai acheté hier du Fripe ! Et je fredonnais le dernier tube de mon chanteur de Mezwed favori …quand j’entends une voix féminine qui fredonnait une chanson du rival direct de mon chanteur, je me retourne ...et devinez qui était là ? Mme Rafia, fille de xxxx xxxx et épouse de xxxx xxxx , mon ennemie jurée depuis mon enfance qui était là en train de manger une demie tête de mouton habillée d’une robe de chambre et d’une « chlaka » en plastique.

Heureusement que notre négociation ne durera pas très longtemps pour nous entendre : on devrait passer l’éponge mutuellement mais plus jamais avoir recours a ce genre de pratique et à ce genre de conduite anormale !



Nb : pour des raisons d'anonymat on a transformé des noms propres en des xxxx pour cacher les identités des personnes impliqués dans ce grave scandale.